Hélène Michel, professeure de Science Politique à SciencesPo Strasbourg, a accepté de coacher les steakholders de son école dans le cadre de cette 4ème édition du Brussels’ World Simulation. Elle répond à nos questions.
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre métier ?
Je professeure de Science Politique à Sciences Po Strasbourg. J’assure le cours de Représentation des intérêts dans l’Union Européenne. C’est un cours qui est en lien très étroit avec les travaux de recherche que j’ai mené sur les lobbyistes, leurs recrutements, leurs formations, leurs carrières, leurs pratiques et plus largement sur la sociologie des acteurs de l’Europe.
Comment avez-vous été amenée à endosser le rôle de coach pour le BWS ?
C’est un peu étrange d’avoir le rôle de coach parce que je ne suis pas une praticienne du lobbying, j’ai juste une connaissance du fonctionnement de l’Union européenne et de ce que font les lobbyistes à travers ce que j’ai pu lire dans les travaux de recherche ou de ce que j’ai pu observer dans les enquêtes terrain que j’ai menées. Ce qui m’a intéressé dans ce rôle, c’est d’accompagner les étudiants et de leur permettre de mettre en pratique les enseignements qu’ils ont pu avoir sur la sociologie de l’action collective, les processus décisionnels, la sociologie des acteurs…
L’année dernière, j’ai fait partie du jury, mais j’ai trouvé frustrant de n’intervenir qu’à la toute fin du jeu. J’ai donc voulu les accompagner dans tout le processus.
Pourriez-vous nous rappeler quel groupe vous coachez et nous présenter la forme et le contenu de vos séances de coaching ?
Je coach les étudiants de Strasbourg qui ont un rôle de stakeholders. Les séances sont en étroite coordination avec celles qu’assurent Philippe Guillaumet, qui lui, est un praticien. Nous avons d’abord travaillé sur le processus décisionnel, sur les différentes formes de répertoire d’action collective. Puis, les étudiants se sont renseignés très précisément sur le rôle qu’ils avaient à jouer, de manière à pouvoir identifier les atouts, les handicaps et les faiblesses des organisations qu’ils vont représenter. Ils ont aussi travaillé sur le contenu de la due diligence, pour voir comment se positionnaient les différents stakeholders. Finalement, nous avons travaillé sur la rédaction du Position Paper, qui est un exercice très intéressant car il fait la synthèse entre maîtrise des enjeux sur le devoir de vigilance, connaissance fine du processus décisionnel et argumentaire des joueurs. La prochaine étape sera de suivre les acteurs durant les plénière, où tout se fait en temps réel.
Selon vous, qu’apporte le BWS aux étudiants ?
Le jeu, tel qu’il a été conçu permet aux étudiants de comprendre et d’éprouver concrètement les contraintes qui pèsent sur les actions des stakeholders. Que ce soit en terme de temps, parce qu’il faut suivre un processus qui va vite et qui avance sans cesse, en terme de ressources humaines, de compétences sur le dossier… Toutes les contraintes liées aux joueurs mais aussi à la structure du jeu, qui ne dépend pas des joueurs mais de la position dans laquelle ils se trouvent, et de leur position relative par rapport aux autres joueurs. Il peuvent vraiment éprouver cet enjeu structurel qui s’applique à eux et dont ils sont néanmoins acteurs. Je trouve ça très important.
Le deuxième intérêt de ce jeu pour les étudiants, c’est que contrairement à ce qu’on entend souvent dire dans les discours institutionnels ou dans les discours des lobbyistes, ce n’est pas tant la justesse des arguments ou la soi-disant stratégie des organisations qui va peser dans la réussite ou pas de leur lobbying, c’est plutôt la position à laquelle ils sont assignés. Les institutions qui valorisent le pluralisme et la pluralité des positions pour montrer qu’il y a un débat démocratique contribuent à cette structure du jeu qui est finalement assez défavorable pour certains et très favorable pour d’autres. Le jeu permet de le voir et sans doute qu’aux plénières, on le verra d’autant plus.
Que vous apporte cette expérience de coach au sein du BWS?
C’est une autre manière d’enseigner : on est obligé de montrer les implications concrètes de telle ou telle position sur le devoir de vigilance, de montrer aux étudiants comment les différentes théories qu’on a pu leur enseigner se mettent en œuvre. C’est très intéressant. Ce que je trouve super aussi, c’est de voir les étudiants s’investir dans ce jeu et mettre en pratique leurs savoirs pour faire vivre le jeu.
Avez-vous l’impression que vos étudiants ont compris les tenants et les aboutissants du jeu et qu’ils se le sont approprié ?
Oui, je pense qu’ils ont tout à fait compris. Ma seule réserve serait que je ne voudrais pas qu’ils considèrent, dans les futurs métiers qu’ils vont avoir en lien avec le fonctionnement de la communauté européenne et peut-être la prise de décision, que c’est un jeu. J’aimerais qu’ils aient intégré l’énorme responsabilité qu’on a quand on contribue à ce fonctionnement et aux politiques publiques européennes. Ce n’est pas qu’un jeu, c’est la vie de millions de citoyens qui sont concernés.
Avez-vous des suggestions d’amélioration du jeu ? Des critiques ?
Je trouve que ce qui est fait autour du jeu est extraordinaire , vous [les BB] en êtes la preuve. Peut-être simplement le temps court sur lequel se déroule le jeu. Entre le moment où les étudiants reçoivent le sujet et le moment où se tiennent les plénières, on ne peut pas avoir toutes les étapes et tout le travail d’une procédure législative ordinaire. Cependant, cette année, l’étape de la consultation a été très utile pour tout le monde et surtout pour ceux qui ont rédigé la directive.
Un conseil pour les étudiants ?
Le conseil principal serait de ne jamais oublier l’environnement institutionnel et politique dans lequel ils travaillent. Cela veut dire être conscient de ce qu’on fait mais aussi de tout ce que font les autres, parce que ça a une influence très forte sur ce que chacun va faire.
Et surtout : jouez collectif. C’est la clé des actions réussies.