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La seconde phase se termine, vive la troisième !

Les parties se sont positionnées, les consultations achevées et la directive publiée. La phase 2 de la quatrième édition du Brussel’s World Simulation vient de s’achever et avec elle, le début des négociations avec comme ligne de mire les séances plénières qui se dérouleront du 8 au 10 décembre prochain. Le Blowers fait le point sur les échéances de ces dernières semaines.

Difficile consensus

La Commission a lancé auprès de tous les joueurs une consultation dans l’optique de l’écriture de la Directive qui sera débattue lors des plénières. Il en ressort que les quatre grands groupes (Parlement européen, États membres, Stakeholders et États tiers) ont des attentes variées sur la Due Diligence.

Pour le Parlement Européen, les différents acteurs n’ont pas réussi à s’entendre sur les entreprises concernées par le projet législatif, l’économie exsangue et l’avenir incertain dû au contexte sanitaire actuel rendent les débats autour de l’inclusion ou non des PME et TPE dans le projet houleux. Néanmoins, les différents acteurs ont quasiment tous conclu (à l’exception d’ID) qu’il fallait que les entreprises de tous les secteurs soient concernés par la directive. Quasi consensus également sur l’applicabilité de la directive au monde entier, hormis le PPE qui souhaiterait que cette législation ne s’applique qu’aux zones déterminées comme à « haut risques ». Même scénario pour l’inclusion de l’incidence négative potentielle ou réelle dans la bonne gouvernance des États. Pour le reste des débats, une faible majorité (4 contre 3) se dégage, mais la majorité souhaite que la Due diligence s’applique à l’intégralité de la chaîne de valeur, que le contrôle de cette dernière soit opérée par une agence européenne dédiée, qu’en terme de sanctions il puisse y avoir la reconnaissance d’une responsabilité civile (majorité absolue) et administrative (majorité simple) des entreprises condamnées.

Les États membres, sont presque tous d’accord sur les différentes thématiques. Ils estiment que la directive doit s’adresser aux entreprises de toute taille mais en conservant une certaine flexibilité pour les TPE et les PME dans un premier temps (70%). Ils souhaitent également que la directive s’applique aux entreprises de tous les secteurs et soit applicable dans le monde entier. Pour eux, la directive doit concerner l’intégralité de la chaîne de valeurs (80%). En revanche, sur le thème des mécanismes contrôles, une parfaite égalité est observée entre ceux souhaitant que la Due Diligence soit vérifiée par les États membres ou une agence européenne dédiée. Concernant la responsabilité des entreprises, tous les États membres sont d’accord pour reconnaître une responsabilité administrative, une faible majorité souhaite également la reconnaissance d’une responsabilité civile. Pour les mécanismes et les contrôles, la totalité des États membres souhaitent voir la mise en place de mécanismes financiers ainsi qu’une aide administrative et un accès simplifié aux informations en particulier pour les entreprises plus fragiles, à l’exception de la Hongrie et de la Pologne.

Les Stakeholders, étant un groupe plus ample avec des ambitions et des intérêts différents sont moins consensuels que les autres groupes. Une faible majorité (38,9%) souhaite que toutes les entreprises de toute taille soient prises en compte mais sans flexibilité pour les TPE et PME. En revanche, la majorité (55,6%) souhaite que la directive soit applicable à tous les secteurs et dans le monde entier (70%). Mais contrairement aux autres groupes, les Stakeholders ne souhaitent pas que la législation porte sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Le groupe souhaite également à l’unanimité la mise en place d’un mécanisme de surveillance mais qui soit défini par les entreprises elles-mêmes (53%). Comme pour les Etats membres, une moitié estime que le contrôle doit être opéré par une agence européenne dédiée et une autre directement par les États membres. En outre, hormis Nike, tous les stakeholders sont en faveur de la reconnaissance d’une responsabilité civile ; mais ni d’une responsabilité administrative, ni d’une responsabilité pénale.

Quant aux États tiers, les États-Unis ont souligné l’aspect positif qu’aurait la création d’une agence européenne dédiée à la question de la Due diligence, tandis que la Chine y est diamétralement opposée.

Une directive contestée

La directive sur la Due diligence a été publiée le 18 novembre dernier. Parmi les articles annoncés, certains vont très certainement faire débat durant les négociations. Petit récapitulatif non-exhaustif des mesures les plus importantes.

Le chapitre 1 : Dispositions générales recèle de points de tension. En effet, l’article 1 dispose que la directive vise à tenir les entreprises « responsables de leurs activités tout au long de leur chaîne de valeur en matière de respect des droits humains, de l’environnement et de la bonne gouvernance » contrairement au souhait exprimé par les Stakeholders lors de la consultation de la Commission. Le second alinéa de l’article revient également sur l’obligation pour les entreprises de mettre en lace une stratégie de vigilance interne.

L’article 2 revient lui sur le champ d’application de la directive. Il s’avère que toute entreprise de plus de 10 salariés dont le chiffre d’affaire annuel est égal ou supérieur à 2 millions d’euros est concerné par la directive, contrairement aux doutes émis par un certain nombre de groupes parlementaires. La directive est également, selon cet article, applicable à l’ensemble des entreprises actives sur le marché intérieur qu’elles soient rattachées à un Etat membre ou pas. Le quatrième paragraphe émet la possibilité d’une flexibilité pour les PME et TPE « quant au régime de sanctions imposées pour non-respect du devoir de vigilance. », ce qui va à l’encontre des volontés des Stakeholders.

L’article 3 revient sur la définition des différents termes importants pour la compréhension de la directive ; la notion clé où des débats risquent d’éclater demeure celle d’ « incidence négative potentielle ou réelle ».

Le cœur des négociations et des débats risque d’être l’article 12 dans le chapitre 4 : Surveillance. Le paragraphe 1 : « Il revient aux États membres de s’assurer que les entreprises respectent leur devoir de vigilance tel que défini dans la présente directive […] A cette fin, chaque État membre prévoit qu’une autorité publique indépendante soit chargée de contrôler les entreprises » tranche avec la volonté de la majorité des acteurs de voir la création d’une agence européenne spécialement dédiée à cette tâche.

Le chapitre 7 : Recours risque également d’être sujet à débats. En effet, les articles du chapitre mettent en place les différentes sanctions possibles à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas la Due diligence. L’article 22 prévoit la mise en place de sanctions administratives : « Les entreprises peuvent se voir infliger des sanctions administratives sous la forme d’amendes imposées par les autorités de contrôle ». L’article 23 prévoit également un volet pénal, responsabilité pénale que personne ne souhaitait voir établie : « Il appartient aux États membres de prévoir les dispositions nécessaires à la mise en place de sanctions pénales à l’encontre des dirigeants d’entreprise n’ayant pas respecté ou ayant négligé le respect des obligations de vigilance ». L’article 26 risque également d’être sujet à controverse puisqu’il consacre la possibilité de cessation de l’activité économique de l’entreprise sur le marché intérieur européen. En outre, plébiscitée par la majorité des acteurs, aucune responsabilité civile n’est prévue dans le texte initial.

Le chapitre 9 : Aide à la transition, prévoit les conditions dans lesquelles les entreprises seront accompagnées si cette directive entre en vigueur. L’article 35 prévoit une période transitoire qui « pourra durer jusqu’à trois ans pour les entreprises, et jusqu’à cinq ans pour les petites et moyennes entreprises » et qui commencera à courir à la date de publication de la directive.

L’article 37 prévoit des aides pour les PME dans la mise en place des obligations liées à cette directive : aide à l’investissement par l’État membre où réside son activité principale. L’article 38 lui prévoit une aide technique pour mettre en place la Due diligence.

Des positions variées

La majorité des acteurs dans leur position paper ont reconnu l’utilité publique d’une législation sur la Due diligence à l’échelle européenne mais ont émis des réserves sur le texte en tant que tel.

Certains ont mis en avant les blocages institutionnels que cela pourrait engendrer si les négociations échouaient. D’autres, à l’instar du PPE, restent solidaires du projet même s’ils réclament des changements d’envergure pour pouvoir l’adopter à l’issue de la phase de négociations et des séances plénières.

Néanmoins, certains en l’espèce se prononcent contre ce texte, à l’image de la Hongrie ou du groupe parlementaire ID.

Les Stakeholders quant à eux laissent entendre qu’ils sont en accord avec le projet législatif mais qu’ils feront tout pour préserver et faire prévaloir leurs intérêts propres. Là où les ONG estiment que la directive en l’espèce ne va pas assez loin dans la préservation des droits humains, sociaux et environnementaux.

Place au jeu, et puisse les négociations vous être favorables.

Léna BERNARD

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